Horaires

Écho des Caps n° 1016 du 3 juin 2005


Troisième saison du Musée Héritage… Les « Îles du Champagne »


Préserver le patrimoine local, c’est l’objectif que s’est fixé, depuis une bonne quinzaine d’années, Roland Châtel, le créateur du Musée Héritage.

Ouvert en juillet 2003, ce musée privé entame sa troisième saison. Et afin de séduire et de fidéliser un public qu’il espère toujours plus nombreux, le Conservateur a, une fois encore, opéré quelques changements. Il a en effet réservé tout un étage à une époque faste de l’économie de notre Archipel, celle dite de la Prohibition. Logique et judicieux. Car le Musée Héritage occupe plus de cinq cents mètres-carrés des anciens entrepôts Julien Morazé et Fils. Les Morazé faisaient partie de cette branche de commerçants avisés, avec les Ozon, Hardy, Girardin, Paturel, Landry, Dagort, Miller, Chartier, Borotra… grâce auxquels notre Archipel perdit pendant quelques années son appellation d’Archipel morutier pour devenir les « Îles du Champagne ».
Mais n’oublions pas que cette époque si riche pour l’économie de nos îles est le fait de deux hommes : le Français Millerrand — ce Président de la République contresigne un décret qui levait pour Saint-Pierre et Miquelon la législation protectionniste sur l’importation des alcools étrangers dans les colonies françaises — et l’Américain Andrew Volstead, le Père de la Prohibition.
C’est toute cette histoire que Roland Châtel s’est attelé à résumer fidèlement. Minutieusement. Avec force détails et plusieurs centaines d’objets nouveaux. Notamment une pièce rare, unique, retrouvée dans le magasin à bois de la Pointe aux Canons de Marcel Dagort : l’enseigne de la « Northern Trading and Co limited », l’une des principales sociétés d’exportation installées à Saint-Pierre avec la Northern Export.
Témoins d’un trafic considérable de caisses d’alcools : une charrette et un traîneau servant à les transporter jusqu’aux entrepôts où elles étaient stockées jusqu’à la toiture. Au Musée Héritage, vous retrouverez également des caisses d’alcools d’origine comme les Cognac Hardy représentés par la Compagnie Julien Morazé et Fils, les rhum Ara et Saint Gilles de la Maison Dagort ainsi que les liqueurs Benoît Serre. Et quantité d’autres bidons d’alcools et une impressionnante collection de bouteilles de whisky, champagne, vins fins et liqueurs.
Ces objets nous rappellent avec force que notre Archipel fut légalement un gigantesque entrepôt d’alcools dont les taxes de débarquement rendirent les finances de la Collectivité très florissantes. À faire pâlir d’envie les actuels gestionnaires des budgets des deux Mairies et du Conseil général.
Bref, une fois de plus, au Musée Héritage, la magie s’opère. La visite se transforme très vite en véritable leçon d’Histoire. Car c’est tout un pan de notre patrimoine local qui est ici mis en valeur. Et de bien belle manière ! Roland Châtel est un esthète. Et que la jeune génération n’hésite pas à forcer la porte du Musée Héritage. Car les objets qui y sont rassemblés témoignent du passé de leurs ancêtres. Des objets de mémoire qui ont forgé l’identité de notre Archipel.

Jean-Louis Mahé
Photos Jean-Luc Drake